Affaire Weinstein, la suite
Et l’affaire Harvey Weinstein éclata ! Il y en avait eu bien d’autres auparavant, Denis Baupin et compagnie, mais elles n’avaient pas déclenché une telle déflagration. Il fallait ce niveau d’abjection du personnage et d’épaisseur de l’omerta pendant des années pour que l’onde de choc secoue le monde.
Contrairement à une illusion trop répandue, nous sommes encore loin d’une égalité entre les hommes et les femmes. Dans mon livre Piégée dans son couple, je signale que deux points en particulier sont très loin du compte, le partage des tâches ménagères et tout ce qui a rapport au sexe. L’affaire Weinstein offre l’opportunité de briser l’omerta et la parole s’est libérée de façon impressionnante.
Certaines et certains m’ont demandé pourquoi je n’étais pas intervenu plus tôt dans le débat. C’est parce que je pensais que le temps était à la libération de cette parole, qui primait sur tout, qu’elle n’avait pas besoin pour le moment de trop de commentaires, l’important étant que les victimes brisent enfin la loi du silence.
Aujourd’hui je pense que le temps est venu d’ajouter modestement deux ou trois petites remarques. Après le temps de la libération de la parole, qui n’est pas fini, loin s’en faut, il va bientôt falloir faire le tri entre tous les actes d’abus et de harcèlement. Les plus caractéristiques sont ceux qui sont liés à une position de pouvoir. Ceux-ci doivent être définitivement éradiqués et on peut penser que c’est possible ou presque, que la loi peut intervenir de façon plus tranchée.
La situation est différente pour le harcèlement entre supposés égaux, notamment la « drague lourde » dans les espaces publics. Eux aussi sont à combattre bien sûr, mais avec des instruments différents. Car c’est tout un ensemble de manières de faire et de gestion des émotions qui est à remanier, et cela demandera beaucoup de débats, d’éducation collective et de temps. Dans mon livre sur la Saint-Valentin, j’explique comment ce processus d’adoucissement des mœurs et de respect de la femme est en marche depuis près de dix siècles, une époque, faut-il le rappeler, où les viols collectifs étaient tolérés. Nous devons continuer ce processus, réinventer les gestes de la séduction. Non pas s’en abstenir ! Mais le réinventer, avec créativité, dans le respect mutuel.
Un dernier point enfin, on a peu entendu les hommes dans cette affaire. Ils n’étaient pas très à l’aise, beaucoup il faut le dire avaient peur d’intervenir. Non pas qu’ils aient la moindre chose à se reprocher, mais ils ne savaient pas trop que faire. Une quinzaine a pris position, et ils ont été affichés en une du journal Le Parisien, déclenchant la colère des féministes que j’appelle identitaires, celles qui pensent qu’elles doivent se battre contre les hommes dans leur ensemble. Or je pense que c’est justement ce qu’il ne faut pas faire, qu’une avancée ne pourra avoir lieu que si nous nous mobilisons tous, femmes et hommes, côte-à-côte, pour que les comportements évoluent dans le sens de l’égalité et du respect.