Chocolat
Pâques désormais, c’est le chocolat. Noël, c’est la dinde (voir mon billet sur la dinde) et le sapin, Pâques c’est le chocolat. Du chocolat partout! Chocolat, chocolat, chocolat !
Alors moi aussi je veux participer à la fête, avec ces quelques lignes, à propos de cet aliment pas tout à fait comme les autres
Le bonheur-chocolat
Car le chocolat n’est vraiment pas un aliment comme les autres. Il dégage une sorte de magie. En croquer, en sucer ou en boire, procure des sensations qui vont bien au-delà des plaisirs du goût. Surtout à notre époque, dominée par le stress et la fatigue mentale, qui sont le prix à payer de la liberté presque sans limites. De plus en plus l’individu a besoin de moments de réconfort, apaisants, voire régressifs, où il abandonne enfin le questionnement systématique et la compétition généralisée, pour simplement se laisser aller et vivre l’instant. Mais il rêve en secret de davantage : que cette pause soit aussi l’occasion d’une découverte sensorielle donnant plus d’intensité à la vie par les vibrations intérieures ou épidermiques. Ce peut être par exemple un bain chaud et parfumé, ou une séance de massages. Nous avons tous désormais un inépuisable besoin de caresses multiformes.
Le chocolat est magique parce sa caresse est au-dedans de soi, intime. Ecoutez Sandra, célibataire : « C’est un petit rituel, le soir je m’offre mes deux chocolats. Les petits plaisirs de la vie c’est pas de petites choses. J’arrive crevée le soir, et en rentrant, j’ai encore en plus plein la tête des problèmes de ma vie perso (ce foutu prince charmant qui tarde à pointer le nez). Et bien ça me vide la tête, c’est du pur bonheur. Je ferme les yeux (personne ne me voit, je peux me laisser aller). Franchement pendant quelques secondes, je fonds littéralement. Plus de problèmes, tout est effacé. C’est un petit moment magique ». Le chocolat réalise l’alchimie parfaite entre ces deux contraires que sont le réconfort régressif (il gardera toujours un goût d’enfance, véritable doudou alimentaire aux vertus rassurantes) et la puissance des émotions ressenties (il entraîne en même temps dans l’aventure des sensations puissantes, réalisant le rêve très moderne de pouvoir cumuler de petites passions sans risques).
Sa vertu calmante explique ses usages parfois extrêmes, en forme de dernier recours pour conjurer la crise existentielle. « Quand ça va vraiment pas, je craque, la demie tablette peut y passer » (Christelle). Excès qui restent sans dommages s’ils ne sont pas trop répétés. Mais il est préférable de choisir la démarche volontaire, jouir du plaisir pour le plaisir, explorer les sensations qu’il dégage.
Une dernière question enfin : ce plaisir du chocolat n’est-il pas surtout féminin ? L’analyse comparée des comportements alimentaires des personnes vivant seules semble le prouver : les femmes craquent infiniment plus que les hommes pour le chocolat. Mais l’écart tend à se restreindre. Tout se passe comme si les femmes représentaient une sorte d’avant-garde entraînant les hommes, de même qu’ils sont plus généralement entraînées par elles vers toujours plus de découvertes sensibles, d’attention au corps et de communication. Les moments de bonheur-chocolat symbolisent l’univers plus sensible, où traditionnellement les femmes ont été plus à l’aise, vers lequel nous évoluons.
“J’ouvre une tablette de chocolat, Poulain ou Meunier, c’est un chocolat merveilleux fourré à la vanille, la crème dégouline lentement dans ma gorge, j’en retarde la descente du mieux que je peux en inclinant un peu la tête en arrière. L’enveloppe craquante et goûteuse à souhait vient ajouter encore à mon plaisir et je déplore l’instant où j’aurai terminé ce moment de pure extase.” (extrait de mes souvenirs d’enfance, 2012)