mercredi 19 décembre

Hier soir, une séance de dédicaces de mon livre “Mariage” à la librairie Dialogue, à Brest. Et, surprise, dans la salle, il y a Franciane, qui a témoigné dans le livre. Le cortège avait été arrêté sur la place de l’église (sur la photo on voit que ça s’est mieux passé ensuite pour la sortie), une partie du village refusant que le curé sanctionne cette union alors qu’un bébé était déjà arrivé. Pourtant nous sommes en 1971 :  certains n’avaient pas encore compris que la société était en train de changer complètement.

Les familles ont bien du mal à comprendre ce chambardement de la jeunesse, elles se bagarrent sur les détails, la robe, la coupe de cheveux, la messe, le restaurant, l’invitation de tante Augustine. Elles se bagarrent aussi sur la morale. Voilà  une autre chose qu’elles ont bien du mal à saisir. Elles étaient autrefois les gardiennes des valeurs, celles qui édictaient et contrôlaient ce que l’on pouvait faire et ce que l’on ne pouvait pas. La révolution de l’autonomisation individuelle et de la vie à deux sans papiers les laisse complètement désorientées. Comment réagir, surtout, quand un bébé est annoncé ? Les parents qui avaient toléré à contrecœur une cohabitation soudain se ressaisissent. L’honneur de la famille est en jeu ! Trop c’est trop ! Il faut marier ces pauvres enfants dans l’urgence.

Pour Franciane, l’affaire est encore plus compliquée. La belle-famille ne veut pas de cette union avec une fille de paysans, et le futur a déjà fait reporter le mariage, « alors que les invitations étaient faites, le restaurant réservé, et moi enceinte de trois mois ». La cérémonie a donc lieu plus tard, deux mois après la naissance, dans le petit village rural. « Le voisinage fait des remarques. En 1971, pensez-donc ! Un enfant sans être mariés, quel péché ! ». Un premier prêtre a refusé de célébrer le mariage. Un second le remplace, mais les cloches sonnent alors que les mariés sont encore à la mairie. « A la sortie de l’église, je voulais monter la place au bras de mon mari, il y a foule pour nous regarder. Le maire, pour m’éviter la honte, me retient longtemps au bas de la place, espérant que les gens s’en aillent. Je suis furieuse. Je voulais montrer que je n’avait aucune honte d’avoir eu un enfant hors mariage ».  Bien des larmes couleront encore avant que l’ancienne morale ne desserre son étreinte.

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