Parapluies de Chine
Mon livre, Piégée dans son couple, vient de sortir dans sa traduction chinoise. Plusieurs de mes ouvrages ont été publiés en Asie (en Chine, à Taïwan, au Japon, en Corée), et c’est à chaque fois un petit bonheur d’en recevoir un exemplaire, tant l’objet est souvent beau et déroutant : papier bible parfois, odeurs de colle que nos livres ont perdu en Occident, petits dessins illustrant les têtes de chapitres. Malgré le mystère des idéogrammes, qui empêche de deviner l’esprit de la traduction (une traduction est plus qu’une réécriture, c’est l’écriture d’un nouveau livre), les petits dessins donnent des indices intéressants.
Hélas pour moi, cette dernière traduction est beaucoup plus sobre, aucun petit dessin à l’intérieur, aucun indice, excepté l’illustration de couverture, très énigmatique, croisant deux parapluies formant un cœur avec leurs poignées réunies cependant que les pointes font divergence.
J’étais encore à me poser des questions sur ce dessin quand les nouvelles de Hong Kong m’ont sorti de ces réflexions trop tournées vers moi-même. Dans ce bout de Chine différente, d’autres parapluies s’agitaient, symboles d’une révolution réclamant la démocratie. Dans mon dernier livre, La fin de la démocratie, j’explique comment le mouvement historique d’expansion démocratique continue sur sa lancée, provoquant malheureusement une contre-révolution identitaire et populiste qui tend à prendre le dessus. Mais il n’est pas certain que la balance penche dès aujourd’hui dans le mauvais sens. C’est pourquoi il faut surveiller de très près ce qui se passe à Hong Kong ou en Algérie. Dans les deux pays, les manifestants ont compris que leur meilleure chance était de maintenir une expression massive et pacifique, les pouvoirs guettant la moindre violence pour déclencher une répression militaire et une reprise en main. Ce qui va se passer dans les prochaines semaines à Hong Kong et en Algérie nous dira beaucoup pour savoir si le monde peut conserver un peu d’espoir en l’avenir.