Une drôle d’histoire

Aujourd’hui c’est la chandeleur. Pourquoi ce nom, que signifie-t-il, de quelle histoire provient-il ? Et pourquoi est-ce la journée des crêpes ?

Il faut remonter à loin, il y a 15 siècles, pour comprendre, et comprendre ce qui unit cette journée à la Saint-Valentin. En ces temps très différents du nôtre, un pape d’origine maghrébine, Gélase 1er, entra en lutte contre les fêtes populaires de février, notamment les Lupercales, qu’il considérait comme dépravées (ne voyait-on pas des hommes nus sillonner les rues de Rome et fouetter des femmes ?)

Gélase interdit formellement à tous les chrétiens de participer à ces débauches et autres excitations lubriques[1]. Pour ne pas se contenter d’interdire, il tente d’allumer un contre-feu en inventant, l’an 494, une nouvelle fête de la purification (en fait les Lupercales sont officiellement cela), la « Fête de la purification de la Sainte-Vierge », 40 jours après la nativité, soit le 2 février. Les Romains défileront en des processions impeccables, sans la moindre dérive sulfureuse, à la lumière de flambeaux et de chandelles. D’où le nom de « Chandeleur » que prendra bientôt la cérémonie. Le pape ayant fait distribuer des crêpes aux pèlerins pour les récompenser, on connaît la suite de cette histoire jusqu’à nos jours ; nous avons un peu oublié la purification de la Vierge et les chandelles, nous sommes surtout souvenus des crêpes.

Dès le début, il faut le dire, Gélase n’avait pas obtenu l’effet escompté. Les processions étaient certes magnifiques, le nouveau rituel s’était bien installé. Mais quinze jours plus tard, les Lupercales continuaient à dérouler leur spectacle affligeant. En 495, Gélase décide d’intensifier les célébrations de saint Valentin, la veille des Lupercales, pour faire un peu diversion. Nous ne savons pas si le fait que Valentin ait célébré des mariages joua un rôle dans sa décision. Mais que ce soit ou non le cas, cet élément pouvait s’avérer utile, dans ce qui pourrait ressembler à une tentative de déplacement et de récupération : contre les dépravations du 15 février, le 14 pouvait, autour de l’idée de mariage, offrir l’idée de relations hautement vertueuses et légitimes entre les hommes et les femmes.

Sa tentative échoua. Bien que les Lupercales déclinèrent, elles furent bientôt remplacées par toutes sortes d’autres fêtes subversives et libidineuses. Pire encore, certaines prirent justement le nom de Valentin (telles les « valentinages ») pour désigner ces libertés prises avec la morale. Dans les loteries amoureuses, les joyeux tourtereaux associés pour un temps ne tardèrent pas à s’appeler « Valentin » et « Valentine ». La subversion amoureuse avait à son tour récupéré la tentative de récupération ! Elle était décidément la plus forte.  Gélase n’a pas inventé la fête des amoureux (il aurait plutôt souhaité la combattre). Il s’est contenté de fixer une date et de donner un nom, qui allaient connaitre par la suite un fabuleux destin. Si ce pauvre saint Valentin était mort en novembre plutôt qu’en février, l’histoire aurait été bien différente.

 



 

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